Le Titanic nazi

Quand il s’agit de faire de la propagande, le cinéma est un outil majeur. Et quels meilleurs thèmes, pour le cinéma, que les événements marquants de l’histoire, notamment récente ; ceux qui font frissonner le public, les émeuvent ou les indignent ? Nombreux, très nombreux sont ainsi les films directement consacrés au Titanic ; et l’un d’eux tranche par l’originalité de son contexte, le Titanic allemand de 1943, réalisé par Herbert Selpin et Werner Klingler. Produit en pleine Seconde Guerre mondiale ce film pensé et financé comme un blockbuster avec l’approbation et la surveillance des autorités nazies eut finalement une carrière pour le moins surprenante, les Allemands ne le découvrant sur les écrans que plusieurs années après la chute du Reich.

C’est sur cette histoire méconnue et pourtant très intéressante que nous allons revenir ici.

Le Titanic, un sujet porteur au cinéma

 Le Titanic de 1943 est loin d’être le premier film sur le sujet : en réalité, un mois après le naufrage sortait déjà sur les écrans Saved from the Titanic, dont l’héroïne était Dorothy Gibson, une actrice de cinéma muet rescapée du naufrage et qui y jouait son propre rôle, allant jusqu’à porter la même robe que cette nuit dramatique ! Le film a depuis disparu. Quelques mois plus tard, toujours en 1912, un film allemand nommé In Nacht und Eis (« Dans la nuit et la glace ») racontait également ce naufrage : tournée en partie à bord d’un paquebot, la production était ambitieuse, y compris dans sa durée, 30 minutes, fort longue pour l’époque. À la fin des années 1920 encore, le film Atlantic (tourné simultanément en anglais et en allemand) revenait encore sur la tragédie, au grand dam de la White Star Line pour qui cette publicité malheureuse s’ajoutait à une période économiquement de plus en plus difficile.

In Nacht und Eis est à l’heure actuelle le plus ancien film conservé sur le naufrage du Titanic.

Le Titanic de 1943 est donc loin d’être un premier essai, et l’on compte encore deux grands films anglophones dans les années 1950 (Titanic, en 1953, et l’excellent A Night to Remember, en 1958), et celui de James Cameron en 1997, sans parler de plusieurs téléfilms et séries. En un mot comme en cent, donc, le Titanic est un sujet très populaire devant les caméras. L’histoire contient effectivement beaucoup pour plaire : la lutte pour la survie, l’affrontement entre le sommet de la technologie humaine et la nature, brute et impitoyable ; l’excès de confiance ramené à une juste humilité… Il est alors peu étonnant que, dans le cadre des années 1930/1940, le sujet ait séduit en Allemagne alors que l’État nazi cherchait à financer des œuvres cinématographiques ambitieuses pour divertir et guider les masses.

 

Aux racines d’un projet

En 1936, l’auteur Josef Pelz von Felinau avait publié un ouvrage très remarqué dans le monde germanophone : Titanic – Tragödie eines Ozeanriesen, qui passait dans le pays pour un récit extrêmement fiable du drame. Il faut en effet avoir conscience qu’à l’époque, les sources disponibles aujourd’hui étaient bien plus difficiles d’accès (Internet fut, en la matière, un formidable outil dont on peut aujourd’hui difficilement se passer), plus encore pour les Allemands qui n’avaient pas facilement accès aux documents conservés au Royaume-Uni et aux États-Unis, de même qu’aux témoins du drame.

Ce livre disposait, semblait-il à l’époque, d’une grande caution historique puisqu’un allemand du nom de Max-Dittmar Pittmann en signait la préface, en tant qu’ancien officier du Titanic. Pittmann n’y avait en réalité jamais mis les pieds, mais un officier du Titanic s’appelait effectivement Herbert Pitman, et l’Allemand avait utilisé l’homophonie de leurs noms pour se construire une réputation et raconter partout une histoire… totalement fausse. À l’époque, en effet, vérifier ce genre d’information était très difficile et il n’est pas étonnant que le public y ait cru sans poser de question.

C’est en tout cas ce livre qui servit de base aux premiers scripts du futur film, en 1940/1941. Peu à peu, cependant, le ton du script s’éloigna du roman d’origine, tournant de plus en plus vers des thèmes chers aux Nazis, et Josef Pelz von Felinau se retira du projet, au point qu’il a longtemps été jugé douteux qu’il y ait participé, ce que la découverte d’un script basé sur ses travaux et annoté par Joseph Goebbels a finalement confirmé. Le célèbre propagandiste et ministre eut en effet un rôle important dans la transformation du script en récit adapté aux désirs des autorités, et le scénario définitif doit avant tout au travail de Walter Zerlett-Olfenius, lui-même fervent nazi.

 

Le Titanic, symbole politique 

Reste qu’il n’est pas évident de voir au premier abord comment le naufrage du Titanic pouvait servir à la propagande nazie. Joseph Goebbels et les créateurs du long-métrage perçurent cependant à quel point cette histoire pouvait servir de base à une fable épique, à la fois anticapitaliste (donc, dans l’idée des Nazis, antisémite) et antibritannique. C’est dans ce deuxième domaine que le film devait surtout avoir un impact, car l’enjeu était de taille pour le gouvernement. Tandis que les visées expansionnistes de l’Allemagne à l’Est ne rencontraient que peu de discussion, de même que l’invasion de la France, revanche contre la reprise de l’Alsace-Moselle en 1919, la guerre de bombardements à outrance menée contre le Royaume-Uni n’avait pas la même légitimité. Jusque dans les réflexions des Nazis eux-mêmes, l’Angleterre était somme toute une nation cousine avec qui il devait être possible de discuter et les Allemands ne percevaient pas les Britanniques comme des ennemis aussi odieux que les autres. Pour la propagande, un enjeu important était donc de faire du Britannique un ennemi que l’on puisse aimer détester.

De ce point de vue, l’histoire du Titanic offrait un atout : le navire était britannique, tandis que les victimes du drame appartenaient à de nombreux pays. Des Allemands, notamment, avaient trouvé la mort dans le drame, de même que de nombreux Scandinaves, Bulgares, ressortissants de l’Empire d’Autriche-Hongrie… De fait, le public allemand des années 1940 pouvait sans trop de difficulté se prendre d’empathie pour plusieurs personnages du film présentés comme des victimes innocentes : la belle et courtisée mais désargentée Sigrid, présentée comme balte ; les immigrants de l’entrepont, et bien entendu l’officier allemand Petersen, au sens du devoir inégalé, qui ne parvient pas à être entendu dans ses appels à la prudence mais se conduit héroïquement en toutes circonstances.

Portrait de Bruce Ismay dans les années 1890
Joseph Bruce Ismay, président de la White Star Line, est ici l’un des grands méchants du film.

À l’opposé se trouvent ceux que le public doit détester : les capitalistes, représentés par les actionnaires de la White Star Line, notamment le richissime Astor (qui, en réalité, n’avait rien à voir avec la compagnie et, comble de l’ironie, était d’origine allemande) et le président de la compagnie, Bruce Ismay. Ce dernier est le véritable méchant du film : cette traversée doit en effet être l’occasion de renflouer sa compagnie au bord de la faillite, en réalisant un magnifique coup boursier si son navire remporte le prestigieux Ruban bleu attribué au détenteur du record de vitesse. Sans scrupules, Ismay est – dans le film – prêt à tout pour cette victoire, quitte à mettre en péril la vie de tous. Sauvé in extremis par un Petersen désireux de le voir payer pour ses crimes, Ismay s’en tire malgré tout durant la scène finale du film, représentant un procès bien évidemment inique, dont la morale est que les capitalistes britanniques/juifs s’en tirent toujours.

Le film reprend ainsi certains poncifs encore ancrés dans la culture populaire au sujet du Titanic. Bien que les enquêtes aient montré qu’il n’y avait rien à lui reprocher sur ce terrain, Ismay est encore vu comme un patron prêt à tout pour établir des records (qu’en réalité, le Titanic n’était pas conçu pour remporter) et rogner sur les coûts. L’ironie vient du fait que la politique d’Ismay depuis sa prise de contrôle de la compagnie en 1899 était au contraire de renoncer à la course à la vitesse, au profit du confort et de la sécurité ; sécurité pour laquelle le Titanic dépassait d’ailleurs nettement les standards de l’époque, mais c’est un autre sujet.

 

Une réalisation chaotique

Tourner un film aussi ambitieux en plein contexte de Seconde Guerre mondiale n’était pas aisé : lorsque le tournage débuta en mars 1942, le conflit atteignait en effet son apogée et l’Allemagne subissait des bombardements tout en menant une campagne de plus en plus difficile en URSS. Le projet n’était pas donné : 3 millions de marks, selon les estimations au début de la production, vraisemblablement dépassées. Pour filmer le naufrage, une imposante maquette fut conçue pour tourner en bassin des scènes de navigation, puis d’engloutissement, grâce à un système de rails guidant le navire. Le résultat est pour l’époque assez convainquant, surtout si l’on prend en compte le faible accès que pouvait avoir l’équipe du film aux documents de référence.

Outre le tournage en studio, impliquant des décors grandioses et présentés comme extrêmement réalistes (même s’ils n’ont rien à voir avec le Titanic réel, et pour cause : la production n’avait aucun document pour le reproduire !), un lieu bien plus difficile d’accès fut également nécessaire pour tourner les scènes extérieures, notamment l’évacuation des canots. C’est en effet sur le grand paquebot Cap Arcona que furent tournées bon nombre de scènes. Depuis la fin des années 1920, ce navire de taille presque comparable avec le géant britannique desservait l’Amérique du Sud en offrant à ses passagers un très grand luxe. La guerre avait évidemment entravé sa carrière et il était désormais immobilisé à Gotenhafen où il servait de base d’entraînement pour des sous-mariniers en formation.

Vue de profil du paquebot Cap Arcona
Le Cap Arcona était l’un des paquebots allemands les plus luxueux des années 1920/1930. S’il ne lui ressemblait en rien, il est logique qu’il ait été choisi pour représenter le Titanic.

Herbert Selpin, le réalisateur du film, ayant insisté pour tourner dans un tel lieu, il obtint gain de cause malgré les grandes difficultés que ne manquerait pas de causer un tel tournage. D’une part, le port était en permanence sous menace d’attaque aérienne, empêchant notamment les tournages de nuit pourtant espérés, et le navire continuait à effectuer son service militaire, forçant à la cohabitation entre gens du film et marins en formation. Ces derniers ne manquèrent pas d’entretenir des relations avec les actrices, au grand dam du réalisateur qui ne put qu’être ulcéré du manque de concentration et de performance croissant de ses acteurs, qui arrivaient parfois saouls sur le tournage. Les tensions atteignirent leur summum lorsque Selpin, qui n’appréciait que peu les Nazis et l’armée, insulta vertement cette dernière sur le plateau en s’en prenant notamment au commandant du navire. Cette sortie ne passa pas inaperçue.

Le 30 juillet, alors que le tournage se poursuivait malgré l’ambiance chaotique et se déroulait désormais dans les studios de Berlin, Selpin vécut sa dernière journée comme réalisateur. Il s’était en effet de plus en plus souvent heurté avec Zerlett-Olfenius, lui-même proche de certains dignitaires nazis dont le SS Hans Hinkel, dirigeant le service du cinéma au sein du Ministère de la Propagande. Le scénariste ayant informé Hinkel des propos antipatriotiques du réalisateur, ce dernier fut finalement convoqué au ministère, où il refusa catégoriquement de se rétracter. Immédiatement emprisonné, Selpin fut retrouvé pendu dans sa cellule le lendemain. Suicide ? Assassinat ? La première hypothèse reste la plus probable, Goebbels ayant eu peu d’intérêt à arranger un suicide alors qu’il peinait déjà à éteindre les rumeurs suscitées par celui d’une autre star du cinéma du Reich, Joachim Gottschalk, qui s’était suicidé avec sa famille quelques temps plus tôt pour éviter la déportation de son épouse juive.

Malgré la mort de Selpin, sur laquelle le silence fut rapidement invoqué lors du tournage, la production de Titanic se poursuivit sous la direction de Werner Klingler, permettant à ce dernier d’éviter à avoir à rejoindre l’armée. Le tournage fut achevé en octobre 1942. Goebbels, ayant visionné le premier montage, se félicita de la réussite des scènes de panique mais trouva le jeu des acteurs très mauvais, et demanda également à ce que la fin soit changée. Prêt en 1943, le film ne sortit cependant pas immédiatement, le chef de la propagande nazie se montrant hésitant à son sujet.

 

Censure et diffusion

Titanic ne fut en effet jamais diffusé en Allemagne nazie. La première eut lieu en 1943, à Paris, mais le public allemand ne put pas découvrir le film, pour des raisons qui restent incertaines. D’une part, le bombardement du Ministère de la Propagande aurait fait disparaître les copies qui s’y trouvaient, donnant à Goebbels un prétexte pour annuler la diffusion. Mais surtout, le contexte géopolitique se serait peu prêté à la diffusion d’un film catastrophe : les scènes de panique auraient pu être trop évocatrices pour la population. Peut-être, également, que le personnage d’Ismay conduisant follement son navire à sa perte aurait pu être rapproché d’Hitler faisant de même avec le Reich, alors que la guerre tournait de plus en plus défavorablement pour l’Allemagne… On peut aussi se demander si le film remplissait efficacement son but de propagande. En effet, alors que le film devait normalement susciter la colère contre les ploutocrates anglais, les projections test montrèrent que le public se prenait surtout d’empathie pour les victimes et ressentait de la tristesse, bien plus que de la colère. Le film manquait vraisemblablement son objectif, tout en parvenant cependant à être le divertissement épique que Goebbels souhaitait.

Affiche allemande de Titanic
Titanic ne fut diffusé en Allemagne qu’après la guerre, à l’Est comme à l’Ouest.

D’autres purent cependant rapidement le voir : en Allemagne de l’Est, en effet, le film fut diffusé par les Soviétiques dès 1950. La tonalité anticapitaliste et, dans une moindre mesure, antibritannique du film entrait parfaitement dans les cadres de la pensée des autorités. L’Allemagne de l’Ouest ne fut pourtant pas en reste. Récupéré, le film fut en effet annoncé en 1950, au grand dam des Britanniques, qui occupaient encore une partie du territoire et ne pouvaient supporter un tel affront. Les autorités d’occupation finirent d’ailleurs par interdire cette sortie, non sans que le film ait été projeté par endroits en connaissant un grand succès en salle. Dans les deux cas, c’est cependant une version raccourcie qui fut alors diffusée : les scènes les plus marquées ont en effet été coupées du nouveau montage. Dès les années 1960, l’Allemagne de l’Ouest pu recommencer à voir ce film, dont le caractère subversif était somme toute très relatif : la critique du capitalisme était en soi assez basique et inoffensive, et ne remettait pas radicalement en question celui-ci. Aujourd’hui encore, une version édulcorée du film est visible : s’il a mal vieilli du point de vue de ces effets, le film ainsi remonté est somme toute assez banal. Peut-être est-ce là aussi la raison pour laquelle ce film hautement financé par les services de propagande ne fut finalement pas diffusé par ceux-ci : il n’atteignait pas pleinement son objectif.

 

L’héritage du film

Le Titanic de 1943 connut par ailleurs une certaine postérité. D’une part, les effets spéciaux furent assez convaincants pour être recyclés par les Britanniques : dans Atlantique, Latitude 41° (1958), certains plans du navire lors de la traversée sont en réalité ceux tournés en bassin en Allemagne. De même, les scènes d’inondation des salles des chaudières viennent directement de ceux qui avaient été filmés, avec maquette, pour les besoins du film de 1943. Ces plans ne durent que quelques secondes et s’intègrent tout à fait à l’ensemble sans que l’on puisse en avoir conscience sans avoir été préalablement informé : la production allemande avait été soignée et n’avait pas lésiné sur les moyens.

Mais c’est dans le Titanic de 1997 que le film de Selpin et Klingler trouve son plus grand écho. Ici, en effet, certains éléments sont repris tels quels. Parmi les plus flagrants : une intrigue impliquant dans les deux films un diamant bleu ; un personnage étant emprisonné dans une pièce du navire se remplissant d’eau, et étant sauvé par quelqu’un armé d’une hache ; une jeune femme tiraillée entre un mariage d’argent et une histoire d’amour ; le héros du film incitant sa compagne à monter dans un canot et la regardant partir (bien que, dans le film de 1997, celle-ci finisse par quitter l’embarcation)… En outre, certains plans affichent une assez évidente proximité. Il est donc évident que Cameron s’est inspiré du film allemand.

Le film de James Cameron reprend de nombreux éléments de celui de 1943 ; trop pour qu’il ne s’agisse que d’une coïncidence.

Le traitement du personnage d’Ismay par le film américain, s’il est un peu moins caricatural, reste malgré tout proche, le président de la White Star étant présenté comme un homme imbu de lui-même, assez stupide et avide de records. Une scène coupée le représentait d’ailleurs dans une véritable « marche de la honte » sur le pont du Carpathia, affrontant le regard vengeur des rescapés. De même, l’opposition entre de joyeux passagers de troisième classe et de riches et hautains passagers de première classe (en particulier des Britanniques, chez Cameron) se retrouve dans les deux films. Dans certaines interviews, le réalisateur est allé jusqu’à voir dans son film une production engagée, presque « communiste », selon ses propres termes. Il s’agirait alors d’une adaptation de Karl Marx par Casimir et Tinky Winky tant le propos est finalement limité et bien inoffensif, ce qui a déjà fait l’objet d’un article ici. Malgré tout, la similitude s’arrête là car, si le film allemand représente un naufrage particulièrement éloigné des faits, fautes de sources, la reconstitution opérée par Cameron, même si elle est parfois caricaturale, est un travail de passionné qui était pour son époque d’une bonne fidélité.

En somme, s’il eut en son temps un impact dans le monde cinématographique, Titanic de 1943 ne fit pas date comme ouvrage de propagande : son message était finalement aisément transformable et adaptable et, en dépit de son important financement, le film est rarement retenu dans les grandes synthèses sur la propagande. Il appartient beaucoup plus au registre de ces films « à message », mais un message relativement bateau qui peut être adapté à un contexte autre que le nazisme sans grande difficulté. Cela devrait nous rappeler plusieurs choses : d’une part, que la propagande, contrairement à une idée reçue, marche rarement avec de gros sabots. Le propos est généralement conçu pour passer discrètement dans un contexte donné. Le fait que, une fois réduit, le film ait pu être diffusé dans les deux Allemagnes sans être pour autant dénaturé montre à quel point, dans le cas de Titanic, ce contexte était large. D’autre part, en conséquence, il rappelle à quel point, comme le souligne par exemple Johann Chapoutot, le nazisme n’est pas une création hors sol, spécifique à l’Allemagne. Au contraire, une bonne part de ses thèmes étaient courants dans le monde de l’époque et, osons le dire, dans le nôtre également : lutte pour la survie des plus forts, traque des boucs émissaires…

Enfin, c’est un nouveau rappel que critiquer le capitalisme ne suffit pas : encore faut-il le critiquer de la bonne manière car, entre l’anticapitalisme qui réfléchit en termes de structures et de système à renverser, et celui qui raisonne en termes de « caste à éliminer », un fossé doit subsister pour éviter de donner raison à ceux qui prétendent que « les extrêmes se rejoignent ». Comme on l’a vu, la critique du capitalisme par le biais de la dénonciation du « bouc émissaire » reste un thème fourre-tout et bien accepté, qui ne fait finalement pas grand mal au capitalisme lui-même. Certains politiciens et autres donneurs d’opinion feraient bien de s’en souvenir avant d’allumer des incendies qu’ils ne pourront pas contrôler.

 

Pour aller plus loin

Cet article et la vidéo qui l’accompagne n’auraient pas été possible sans l’aide de Malte Fiebing-Petersen, auteur de Titanic (1943): Nazi Germany’s Version of the Disaster, sorti en 2012 en version allemande et anglaise. Pour élargir sur le désastre, la meilleure synthèse actuelle (en anglais) est On a Sea of Glass (par Tad Fitch, J. Kent Layton et Bill Wormstedt, Amberley, 2011), qui montre notamment très bien pourquoi il est injuste et erroné de faire reposer la responsabilité du drame sur les épaules de Bruce Ismay. Enfin, sur la manière dont le nazisme s’inscrit dans des phénomènes plus vastes et sur les mécanismes de sa propagande, le récent Comprendre le nazisme de Johann Chapoutot (Tallendier, 2018) regroupe plusieurs articles, souvent faciles à lire, qui expliquent très bien cela. On pourra également se référer à une de ses passionnantes conférences sur le sujet.

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