1830, de la ferveur à la déception

Après la parenthèse du gouvernement Martignac, Charles X choisit d’assumer totalement une politique foncièrement réactionnaire en gouvernant sans la Chambre, avec un ministère particulièrement connoté : le gouvernement Polignac. Très vite, ses actions suscitent l’opposition des libéraux, dans un contexte de crise à la fois politique et économique. Les ingrédients sont alors réunis pour une révolution qui va vite susciter autant d’enthousiasme que de déceptions.

Polignac : Coblence au pouvoir ?

L’appel au gouvernement de Jules de Polignac est un symbole fort, qu’on peut hâtivement percevoir comme maladroit, plus encore lorsqu’on a connaissance de la suite des événements. L’homme est en effet le fils d’une grande amie de Marie-Antoinette, et c’est une grande figure de l’émigration. Pour ses opposants, il s’agit ni plus ni moins de la mise au pouvoir de « Coblence », du nom du refuge qu’avaient trouvé sous la Révolution les princes émigrés auprès de l’étranger. Deux figures du gouvernement renforcent ce symbole. À la Guerre, le général de Bourmont a tout pour effrayer la gauche : ancien émigré, puis chouan, rallié un temps à l’Empire, il a trahi Napoléon à la veille de la bataille de Ligny, en 1815, puis a été l’un des artisans de la condamnation du maréchal Ney. Quant au ministre de l’Intérieur, La Bourdonnaye, c’est le meneur des « pointus », la frange la plus radicale de l’ultracisme, qui avait tenu des positions particulièrement intransigeantes au moment de la « Terreur blanche ». Il n’est donc que plus facile, pour l’opposition, de dénoncer un gouvernement incarnant tous les excès des ultras.

Il ne faut cependant pas voir dans Polignac un extrémiste forcené et irréaliste, quoique sa maladresse soit souvent soulignée. L’homme est conscient des limites de sa marge d’action, et si la presse d’opposition a beau jeu de l’accuser de vouloir rétablir les pires formes de l’Ancien régime, le chef du gouvernement sait être plus réaliste. Le reste de son cabinet est d’ailleurs plus terne, bien que des figures éminentes de la droite, comme Chateaubriand, s’en désolidarisent par avance. Sur le plan symbolique, en effet, au-delà de l’identité même des meneurs, plusieurs initiatives choquent, comme la construction d’un monument commémorant la malheureuse expédition de Quiberon, en 1795, et rendant hommage à certaines figures de la chouannerie. Les réseaux libéraux s’organisent donc et, en face, tiennent de nombreux banquets pour renouveler leur soutien indéfectible à la défense de la Charte.

Portrait de Polignac en grande tenue, dans une posture presque royale
Présentant Jules de Polignac en grande tenue dans une posture presque royale, ce portrait illustre bien le symbole que représentait son arrivée au pouvoir.

Mais qu’en est-il du rapport de Polignac à celle-ci ? Le ministre semble disposé à gouverner en accord avec elle, ce qui n’est guère aisé, dans la mesure où il n’a pas de majorité. Se crée ainsi un désaccord avec le trop radical La Bourdonnaye, qui quitte rapidement le gouvernement, qui n’emploie pas des méthodes assez fortes à son goût. Se pose notamment la question du recours à l’article 14 de la Charte, permettant au roi de gouverner par décret : la chose n’irait pas à l’encontre du texte fondateur, mais choque profondément les libéraux, qui tiennent à la forme parlementaire prise par le régime. Une crise politique se noue donc pour savoir qui, de la Chambre ou du gouvernement, aura la haute main.

 

Une crise politique

Lors de son discours d’ouverture aux Chambres en mars 1830, Charles X décide de se montrer ferme, dénonçant les rumeurs exagérées courant sur sa politique et, surtout, laisse entendre un potentiel recours à l’article 14. À la Chambre des députés, une commission menée par le doctrinaire Royer-Collard répond par une adresse massivement votée par la gauche, affirmant que le caractère parlementaire de la Charte est central et ne peut être contourné. Votée par 221 députés contre 181, cette « adresse des 221 » montre à quel point, à l’usage durant plus de quinze ans, les institutions de la Restauration restent ambiguës. Certes, la politique de Charles X n’outrepasse pas la Charte : celle-ci ne lui impose pas de former son gouvernement selon la composition de la Chambre. Les députés ne peuvent théoriquement pas faire obstacle à la politique gouvernementale. Et pourtant, par leur capacité à voter le budget, ils disposent d’un vrai pouvoir de blocage, qui est ici manifesté : par ce texte, les députés refusent au roi le soutien qu’il leur a demandé. Charles X répond sans concessions : s’il n’a pas ce soutien, il fera sans, et ne modifiera pas sa politique.

Gravure représentant la remise de l'adresse par Royer-Collard, incliné devant le roi siégeant sur son trône, parmi la foule des députés.
La remise de l’adresse des 221 au roi est un signe fort du tour parlementaire pris, de fait, par le régime.

Dans ces conditions, la seule issue possible est celle d’une dissolution suivie de nouvelles élections, afin de permettre au pays (du moins à sa frange légale) de s’exprimer. Cette expression est bien vite contrebalancée par la politique du gouvernement, qui lance une intense propagande en faveur de ses candidats, tout en multipliant les pressions et procédés douteux : elles sont même repoussées dans des départements jugés trop libéraux. Après la dissolution du 16 mai, c’est donc fin juin et début juillet que les nouveaux députés doivent être élus, tandis que le gouvernement s’active sur un autre terrain : l’Algérie.

Dans le contexte de l’indépendance grecque et d’une alliance renouvelée avec la Russie, Polignac avait espéré pouvoir procéder à un redécoupage de l’Europe au détriment de l’Empire ottoman, ce qui aurait permis à la France de s’illustrer sur le plan international, et aurait redoré son blason. Dans une période de crise politique, à l’approche d’élections cruciales, un succès extérieur pourrait indéniablement jouer. La Russie se révélant plus prudente, le gouvernement se tourne alors vers une cible plus accessible : Alger. Prenant pour prétexte des faits de piraterie nuisant au commerce et des dissensions avec Hussein, le dey d’Alger, la France décide au début 1830 d’attaquer Alger, et la campagne, menée par Bourmont, est un succès rapide qui pose les premières bases du futur empire colonial français. Dans l’immédiat, force est cependant de constater que, même rapide, la victoire n’est pas venue assez tôt : sa nouvelle, arrivée à Paris début juillet, arrive trop tard pour influencer le résultat des élections. Qui plus est, le projet colonial a aussi attisé les tensions en suscitant l’opposition des libéraux. Les élections donnent un résultat net : l’opposition en sort avec une majorité plus grande encore qu’avant la dissolution. Le coup de poker de Charles X n’a pas fonctionné, et la crise politique s’envenime, doublée d’une autre crise, économique et sociale, celle-ci.

 

Un contexte social tendu

Depuis le milieu des années 1820, l’heure est aux difficultés économiques. Venue de Londres, une crise bancaire a en France d’énormes répercussions : de nombreuses banques font faillite, entraînant dans leur chute manufacturiers et négociants. S’ajoute à cela la mauvaise récolte de 1829-1830, qui a elle aussi un violent impact sur les prix. Le chômage s’accroît, les prix de même, tandis que les salaires s’effondrent. La baisse du commerce international, mais aussi la diminution de la consommation intérieure plongent le pays dans un durable marasme qui se prolonge jusqu’au début des années 1830. Le nombre d’indigents explose, et si les pouvoirs publics tentent de limiter la casse, les conséquences sociales restent désastreuses, et la criminalité se développe, notamment à Paris.

S’ajoutent à cela des tensions intergénérationnelles. Par ses institutions mêmes, la Restauration privilégie les plus âgés, seuls susceptibles d’être élus et de participer au gouvernement. Parmi les étudiants, notamment, ces frustrations entraînent des oppositions de plus en plus vives, qui prennent la forme d’un net rejet de l’autorité, d’un anticléricalisme virulent, et d’agitations parfois violentes qui se retrouvent jusque dans les batailles artistiques. Dans ce contexte, il n’est guère étonnant que les étudiants aient joué un rôle non négligeable dans la révolution de 1830.

Enfin, les évolutions du pays attisent les tensions. Certes, la mécanisation et les améliorations technologiques n’ont pas suscité un mouvement de rejet massif comme on a pu le voir dans d’autres pays. Cependant, à la faveur de la crise, quelques révoltes luddites prennent place. De même, l’évolution de la gestion des bois et forêts, de plus en plus réglementée, suscitent l’indignation d’une bonne part de la paysannerie, qui perd là l’usage de ce qui était jusqu’alors un bien commun. Là encore, les révoltes peuvent facilement éclater. Ainsi, avant même 1830, et au-delà de la crise qui secoue le gouvernement, la monarchie de Charles X est déjà bien ébranlée.

 

Les Trois glorieuses

Le 26 juillet, la réponse royale prend la forme de quatre ordonnances signées par Charles X à Saint-Cloud : par ces textes, la Chambre est dissoute avant même d’avoir pu siéger, la presse est soumise à autorisation préalable, et les futures élections sont préparées selon des règles revues. Le principe est simple : les taxes déterminant la capacité à être électeur sont désormais celles qui sont payées par les grands propriétaires, tandis que la bourgeoisie d’affaire est exclue du jeu, la patente étant exclue du calcul. Concrètement, il s’agit donc d’un coup de force de Charles X, qui compte sur ses troupes pour maintenir l’ordre et confirmer cette nouvelle direction politique. En cela, il se trompe cruellement, car ses meilleures troupes sont alors en Algérie, bien impuissantes à le défendre.

Caricature représentant Charles X chargé de divers lourds paquets portant des inscriptions relatives à sa politique, pendant que ses ministres fuient à l'arrière plan.
Cette caricature d’époque représente Charles X lâché par ses ministres et son entourage, tandis qu’il est littéralement surchargé par le poids de la politique autoritaire menée jusque-là.

Dès que la nouvelle des ordonnances circule, les milieux de la presse, notamment autour de la figure de Thiers, s’élèvent contre ce coup de force et appellent à la désobéissance. Les journaux continueront à paraître, mais sont vite la cible d’une répression qui fait tache d’huile : les ouvriers typographes, craignant d’être mis au chômage, vont en effet constituer un des premiers noyaux des forces révolutionnaires, aux côtés d’étudiants et polytechniciens républicains menés par des figures telles que Raspail et Cavaignac, que l’on retrouvera en 1848. Cette solidarité entre étudiants et militaires, d’une part, et les populations paupérisées et ouvrières d’autre part est un des points importants de 1830 : c’est leur coopération qui permet la mise en place efficace des barricades et une véritable opération tactique des émeutiers. S’y ajoutent, il faut le dire, bien des gardes nationaux qui n’avaient pas digéré la dissolution de 1827 et conservent chez eux leurs armes, tandis que, d’autre part, les armureries sont mises à sac.

1830 est en effet la révolution des barricades par excellence, en particulier le 28 juillets. Profitant de la géographie parisienne (on est encore loin des grands boulevards), elles permettent aux émeutiers de limiter les déplacements des troupes et de les isoler, tout en comptant sur le tissu social : la barricade n’est en effet pas seulement un empilement chaotique de débris, mais bien un ensemble pensé, et coordonné avec le soutien du voisinage, notamment pour l’approvisionnement. Les émeutiers sont, du reste, aidés par l’incompétence du pouvoir en place, qui choisit comme chef des troupes Marmont, le plus impopulaire de ses maréchaux, et n’a pas de soutien logistique. L’Hôtel de Ville est ainsi pris tandis que les troupes se replient peu à peu dans le désordre : le 29 juillet, Marmont quitte Paris pour rejoindre Charles X. La capitale est aux mains des révolutionnaires. Mais parmi ceux-ci, qu’il s’agisse des grandes figures du journalisme, des députés d’opposition, ou même de Lafayette, désormais à la tête d’une nouvelle garde nationale, le doute plane : que faire ? Dans quelle mesure faut-il renoncer à la légalité ? Comment éviter, par ailleurs, de sombrer dans « l’anarchie » ? Le 30 juillet, le roi a capitulé, renoncé à ses ordonnances, renvoyé Polignac, et tenté de constituer un nouveau gouvernement, autour de Mortemart, que bien peu écoutent. Dans les faits, l’avenir de la dynastie est déjà condamné, même si cette réalité n’est pas encore assimilée à Saint-Cloud.

 

Charles X, abdiqué à l’insu de son plein gré

Revenons maintenant sur le cas du roi, d’abord replié à Saint-Cloud, puis à Rambouillet. Dans l’imaginaire des Bourbons, l’abdication n’a pas réellement de place : si d’autres souverains étrangers s’y sont livrés, parfois d’une manière particulièrement spectaculaire (pensons à Charles Quint), la pratique n’est pas dans les mœurs françaises, au point que les théoriciens du régime doutent même de sa légitimité. Viscéralement, Charles X se verrait donc plutôt soit régner, soit mourir, à l’instar de son aîné Louis XVI. Mais les temps ont changé, et par deux fois, le cas Napoléon a montré qu’il était possible, en France, de renoncer au trône, et que la pression politique pouvait aboutir à une telle conclusion.

Bien vite, constatant que sa personne était définitivement trop clivante, Charles X doit donc s’y résigner : pour sauver sa dynastie, il doit abdiquer. Mais en faveur de qui ? Son fils, le duc d’Angoulême, est assez unanimement méprisé, est trop lié à l’ultracisme, et ne ferait pas un bon choix. En revanche, le petit duc de Bordeaux, « l’enfant du miracle », âgé de neuf ans, ferait un parfait « Henri V », dont la régence permettrait de forger une politique sur mesure, avivant les espoirs de chacun. C’est donc en sa faveur que le roi abdique, forçant la main de son fils qui se rêve toujours en « Louis XIX » et l’aurait supplié de le laisser régner « au moins deux heures », le tout se passant sur fond de débandade de l’entourage royal.

Portrait du duc d'Angoulême en uniforme
Le duc d’Angoulême, héritier théorique du trône, fut contraint par son père d’abdiquer en même temps que lui. Les légitimistes lui reconnaissent malgré tout un règne de vingt minutes en tant que Louis XIX…

Charles X espère alors que cette solution lui permettra d’obtenir le soutien de son cousin Orléans, acclamé dans le même temps à Paris comme un recours. Il lui confie en effet la « lieutenance générale du royaume », en attendant que l’enfant soit en âge de régner. Pour le duc d’Orléans, c’est à la fois une aubaine et une malédiction : aubaine car le pouvoir lui est ainsi légitimement cédé aux yeux des soutiens du régime. Malédiction car recevoir la légitimité d’un régime honni est un cadeau empoisonné, qui le priverait qui plus est de la couronne. En réalité, fort du soutien des Parisiens, le duc opte pour une autre solution : le 7 août, les députés votent en majorité pour considérer que l’abdication de Charles X est nulle et non avenue, car survenue alors qu’il était déjà évincé. Le roi est déchu, et le trône vacant. L’hypothèque « Henri V » est levée, et le parti légitimiste sort plus éclaté que jamais par cette abdication inutile qui brouille désormais la question du prétendant légitime. Charles X et son entourage sont, dans tous les cas, quittes pour gagner Cherbourg, puis l’Angleterre, dans une indifférence générale.

 

La « plus belle des républiques » ?

Le trône étant vacant, se pose la question du nouveau régime. Si quelques républicains aspireraient encore à créer un régime dont Lafayette pourrait être président, l’intéressé est plus prudent, et les députés partisans du maintien de l’ordre optent pour faire du duc d’Orléans un roi légitime le plus rapidement possible, en capitalisant sur sa popularité du moment. Celui-ci saisit évidemment son heure. La rupture est consommée à plusieurs titres : il n’est plus « roi de France », mais « roi des Français », marquant une nouvelle forme de légitimité théoriquement plus populaire. De même, il refuse de prendre le nom de Philippe VII, que certains lui conseillaient et qui l’aurait placé dans la continuité des anciens rois, au profit de Louis-Philippe Ier, titulature inédite.

Louis-Philippe part à cheval du Palais-Royal devant une foule d'émeutiers, de nombreux pavés, et un drapeau tricolore.
Cette toile de Vernet représentant le départ du duc d’Orléans pour l’Hôtel de Ville participe de l’imagerie du roi des barricades qui fut celle de Louis-Philippe au début de son règne.

La révolution de 1830 a-t-elle été volée ? C’est un récit que l’on retrouve tant à gauche que dans la droite réactionnaire de filiation légitimiste (qui aime à dépeindre un peuple abusé par la bourgeoisie arriviste qui a renversé une bienveillante aristocratie). Les choses sont cependant à nuancer. D’une part, la révolution a été très multiple, avec des composantes diverses (étudiants, ouvriers, journalistes, députés), des répercussions variées sur le territoire (certains embrassant vite le mouvement tandis que la nouvelle se répand, mal ; d’autres pouvant au contraire être suspectés de soutenir Charles X), et des cibles bien définies : les Bourbons, évidemment, ne sont plus populaires, et l’Église a également été ciblée lorsqu’elle était trop liée au pouvoir. La dimension anticléricale de 1830 est réelle. Reste que face à ce caractère hétéroclite, la révolution pouvait fort peu aspirer à une issue radicale : outre les élites de l’opposition qui craignaient le désordre, une bonne part du territoire n’aurait pas apprécié de changements majeurs à nouveau imposés unilatéralement depuis Paris. Plus concrètement, et les républicains en sont conscients : ils n’ont pas encore les forces pour s’imposer au pouvoir, ce qui explique que Lafayette, que d’aucuns auraient vu en chef d’une République, ait finalement soutenu publiquement le nouveau roi.

Reste à définir ce que deviendra le nouveau régime. Au-delà du drapeau tricolore, les symboles sont multipliés : pendant les premiers temps de son règne, Louis-Philippe joue ainsi beaucoup la carte du roi populaire, au cœur de la population. Les figures de l’opposition aux Bourbons, par exemple ceux qui avaient soutenu les quatre sergents de La Rochelle, reviennent également en odeur de sainteté. Dans le même ordre d’idée d’un héritage révolutionnaire, l’église Sainte-Geneviève redevient le Panthéon.

Restent les aspects plus politiques, car 1830 n’est pas uniquement de l’ordre du symbole. Très vite, la révolution est présentée comme une opération de défense de la Charte face aux attaques du roi Charles X. Se distinguent donc deux courants, désormais : la « Résistance » et le « Mouvement ». Pour les premiers, 1830 n’était qu’une résistance face aux actes de Charles X, et la Charte ne doit être modifiée qu’à la marge, pour éviter un nouveau coup de force royal. Les seconds, dans toutes leurs nuances, aspirent pour leur part à de plus ambitieuses réformes. La Charte amendée le 7 août offre un compromis, parfois vu comme un simple replâtrage, mais dont Bertrand Goujon montre pour sa part qu’elle renégocie profondément les rapports entre le roi et la classe politique.

D’une part, la symbolique mise en place par Louis XVIII d’une Charte octroyée par le roi à ses « sujets » est éliminée : le texte est désormais le fruit d’une négociation entre les Français et leur roi. L’article 14, qui permettait de légiférer par ordonnances, est également supprimé, conséquence toute logique des événements de l’été. Plus largement, le suffrage est élargi par un abaissement de l’âge légal et du cens. Le nombre d’électeurs double, mais ne représente toujours qu’une grande minorité de la population. Enfin, le parlement est renforcé vis-à-vis du roi, qui garde malgré tout une grande place.

1830 est donc la mise en place d’un nouveau compromis. Là où Louis XVIII avait mis en place une monarchie tendant vers le parlementarisme sans l’assumer, la monarchie de Juillet sera, réellement, un régime parlementaire. Malgré tout, les possibilités offertes par ce changement restent largement ouvertes, et sont encore multipliées par la grande libéralisation de la presse. La direction que prendra le nouveau régime reste donc encore bien incertaine…

 

Pour aller plus loin

Comme pour les autres épisodes de cette série, quatre synthèses sont incontournables : les deux ouvrages d’André Jardin et André-Jean Tudesq, La France des notables volumes 1 et 2 parus chez Seuil (1973), le tome Monarchies postrévolutionnaires de Bertrand Goujon (Seuil, 2012), La Révolution inachevée de Sylvie Aprile (Belin, 2009) et La France du XIXe siècle de Francis Démier (Seuil, 2000).

Francis Démier est également l’auteur de La France de la Restauration (Gallimard, 2012), dans lequel 1830 est évoquée en détail. Le Siècle des chutes, publié chez Perrin par Charles-Eloi Vial (2022) offre pour sa part une intéressante mise en perspective des abdications du XIXe siècle.

Un commentaire sur “1830, de la ferveur à la déception

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  1. C’est passionnant et j’ai un gros regret, c’est de n’avoir pas eu toute cette richesse pour construire ma pédagogie avant la retraite !
    L’essentiel, in fine, c’est d’avoir toujours cette envie (à l’âge canonique) de se cultiver grâce aux « petits jeunes » qui font évoluer la science historique.
    Merci Histony.
    Béa.

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