Comment Sarkozy (et les autres) détournent l’Histoire ?

Avec l’entrée dans la dernière phase de la campagne présidentielle (qui, rappelons-le, a, grosso-modo débuté au lendemain de l’élection de François Hollande en 2012), les déclarations de nos hommes politiques se font de plus en plus stupides, notamment en matière d’histoire. Avec la droitisation du PS, recette qu’on a vue ici bien ancienne, mais qui est actuellement menée tambour battant par Manuel Valls et ses alliés ; et même un repli de Jean-Luc Mélenchon vers des valeurs traditionnellement de droite, les sujets identitaires sont à nouveau mis en lumière de tous les côtés, et la foire aux imbécillités historiques ne fait que commencer. Certains, comme François Fillon, s’émeuvent de la colonisation, « partage de culture », tandis que d’autres, à gauche comme à droite, s’écharpent sur une valeur essentielle en ces temps de crise politique, économique et internationale : qu’est-ce donc que l’âme de la France ?

Comme toujours, ce genre de sujet – bien entendu présenté comme crucial – permet avant tout d’éviter de parler de fond, et d’avoir recours à de grandes images porteuses, ce qui est l’objectif premier de tout discours politique (je renvoie à l’excellente vidéo de Linguisticae et Usul sortie après le tournage de la mienne). Pour comprendre comment fonctionnent ces réutilisations de l’Histoire, il semble judicieux de revenir à un cas d’école : la campagne de Sarkozy en 2007, car cette campagne a posé les bases d’un discours désormais universalisé, qui a dès cette époque fait l’objet d’analyses. Mais il s’agira ici de ne pas se limiter à Sarkozy, cible aujourd’hui bien facile, car ces pratiques se sont désormais trop généralisées.

 

Sarkozy, objet d’étude

En 2008, les récupérations historiques de Nicolas Sarkozy ont fait l’objet d’un livre collectif : Comment Nicolas Sarkozy écrit l’Histoire de France, ouvrage collectif sous forme d’articles d’auteurs spécialistes des différentes thématiques qui, tous, réfléchissent au traitement donné par le politicien et à ses objectifs politiques. L’ouvrage émane du CVUH, le Comité de Vigilance face aux Usages publics de l’Histoire, association d’historiens universitaires fondée il y a plus de dix ans pour réfléchir aux récupérations de l’Histoire par la classe politique et à son instrumentalisation : n’hésitez pas à jeter un œil à leur site qui contient des ressources intéressantes.

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Le livre se lit vite et est malgré tout très complet, donc je ne vais pas chercher ici à le résumer : même presque dix ans après, il est encore très utile pour comprendre les grosses ficelles utilisées aujourd’hui. C’est justement sur ces ficelles qu’il va falloir s’attarder car, en  2007, Sarkozy a beaucoup parlé d’identité nationale (au point d’en faire un ministère lié à celui de l’immigration, et confié à Brice Hortefeux, alias l’homme qui trouve que « c’est quand il y en a plusieurs que ça fait des problèmes »). Mais s’il en a beaucoup parlé, il n’a fait qu’amplifier un flot venu du Front national et désormais répandu dans la plupart des courants politiques médiatisés. Comprendre ces grands thèmes est donc nécessaire à la fois pour comprendre la campagne de 2007, mais aussi celle d’aujourd’hui.

L’anti-repentance et le « rêve méditerranéen »

Le premier thème, devenu un standard de la droite, est celui du combat contre « la repentance ». La France serait un pays culpabilisé, brimé pour son passé, en permanence honteux de son histoire, et il conviendrait de retrouver la fierté de nos origines et de ne plus nous attarder sur les points sombres de notre Histoire. En 2007 ce discours était loin d’être anodin : Sarkozy se préparait à succéder à Chirac qui, en matière de repentance, avait commencé très fort en reconnaissant dès le début de son premier mandat l’implication des autorités françaises dans les crimes contre l’humanité commis durant l’Occupation. Alors que ses prédécesseurs, notamment Mitterrand, avaient refusé d’accuser la France en voyant dans Vichy une parenthèse exclusivement due à l’Allemagne, Chirac soulevait enfin le problème d’une responsabilité bien française, dénoncée depuis longtemps par des historiens comme Robert Paxton qui font aujourd’hui encore autorité. Pour la droite, c’était là une réelle trahison de la part de Chirac qui brisait un tabou, celui d’une France globalement résistante qui n’avait rien à se reprocher.

Plus encore, pendant la période de cohabitation avec Lionel Jospin, Christiane Taubira avait établi un appareil législatif reconnaissant l’esclavage comme crime contre l’humanité. Du point de vue purement historique, j’ai déjà expliqué ici que ce genre de loi mémorielle – même bien intentionnée – pouvait être un problème. Mais ce ne sont pas là les critiques qui ont été faites par la droite : pour elle, ces lois incitaient à se repentir sur des crimes passés (et, pire, pourraient pousser à remettre en question des pratiques actuelles inscrites dans la continuité) ; c’est ainsi que, par la suite, la droite revenue au gouvernement chercha à souligner « le rôle positif de la colonisation » dans les programmes scolaires, ou encore à expliquer que la traite occidentale n’était pas la seule, et qu’il fallait aussi insister sur l’esclavage dans le monde arabe, comme pour se dédouaner du problème. Un des thèmes constant du discours sarkoziste fut d’ailleurs de dire que la France était grande parmi les puissances occidentales car, contrairement à d’autres, elle n’avait pas cédé au totalitarisme et aux crimes contre l’Humanité. C’était néanmoins passer bien vite sur des périodes comme le régime de Vichy ou la colonisation, ces périodes que Sarkozy cherche, justement, à réécrire.

Le discours de Dakar reste la trace la plus (tristement) célèbre de la
Le discours de Dakar reste la trace la plus (tristement) célèbre de la « pensée Sarkozy » sur le rapport à la colonisation et à l’Afrique.

En matière de colonisation, Sarkozy vanta souvent le « rêve marocain » du maréchal Lyautey, ou encore l’idéal du Croisé parti à Jérusalem : son but était d’ancrer dans l’histoire son propre « rêve méditerranéen », aujourd’hui bien oublié, mais qui fut une constante de son début de mandat qui nous valut notamment une visite en grande pompe de Khadafi ou la réception de Bachar Al-Assad lors de la fête nationale en 2008. Sarkozy rêvait d’une Méditerranée unie (bien entendu sous l’influence de la France) qui, somme toute, n’était qu’une extension du projet colonial. Régulièrement, donc, Sarkozy vanta les mérites du « petit » colon, ce colon fantasmé et bienveillant installé en Algérie ou en Indochine, cultivant sa terre par lui-même sans chercher à profiter des travailleurs locaux exploités. Plus encore, le colonisateur serait venu aider une Afrique en difficultés, propos illustré par le tristement célèbre discours de juillet 2007 à Dakar où Sarkozy déclara de façon éhontée que le drame de « l’Homme africain » était qu’il « n’est pas assez entré dans l’Histoire ». Négation totale d’une histoire africaine particulièrement riche mais méconnue et, surtout, moyen de justifier l’intervention occidentale…

Si le rêve méditerranéen de Sarkozy semble – sous sa forme initiale – bien éloignée, le thème de l’anti-repentance et de la justification de la présence française dans le monde reste bien ancré. Outre sa justification diplomatique, il permet également de pousser à une unité… très fantasmée.

La réconciliation par la dépolitisation

En 2007, le but de Nicolas Sarkozy était de fédérer un électorat allant des déçus de la gauche aux déçus de la droite qui, en 2002, avaient été attirés par Jean-Marie Le Pen. Sa victoire et le net recul de Le Pen durant cette élection témoignent de la réussite à court terme de cette stratégie. L’idée d’une France unie se retrouva également dans le thème de « l’ouverture » qui justifia le passage au gouvernement d’anciens du PS comme Bernard Kouchner. Cette volonté « d’ouverture », d’effacement du clivage « droite-gauche » (une des grandes réussites, tant de Sarkozy que du PS) se retrouva dans les appels à l’Histoire de ses discours.

En meeting, Sarkozy se livra en effet à un name dropping assez sidérant, plaçant dans des litanies sans fin un ensemble de noms sans grand rapport pouvant ainsi caser une figure de gauche (voire, selon ses critères, d’extrême gauche) comme Jaurès entre un roi de France et Maurice Barrès, l’un des fondateurs de l’extrême droite moderne. Le contexte disparaît alors, toutes les références, dépolitisées, étant mises sur un pied d’égalité.

La récupération de Jaurès fit ainsi grand bruit, tant l’homme est éloigné des idées de Nicolas Sarkozy… tout comme, du reste, des socialistes actuels. Ceux-ci eurent beau jeu de s’indigner de la récupération et firent, en faisant cela, exactement ce que Sarkozy attendait d’eux. En s’indignant, ils lui permirent de se poser en victimes de gens sectaires à l’esprit fermé ; une technique que l’extrême droite utilisait avec succès depuis longtemps et qui s’est désormais généralisée. D’autre part, la récupération de Jaurès avait pour but de le dépolitiser : en citant un de ses propos, hors de tout contexte, il devenait possible à Sarkozy de dire « Jaurès aurait soutenu ma campagne ». Le Front national fit d’ailleurs de même en inventant carrément une citation pour récupérer l’homme. Jaurès devient ainsi non plus un leader socialiste désireux de réformer en profondeur la société, mais juste un ancêtre commun, « grand homme » interchangeable que l’on cite plus pour son nom connu à travers les plaques de rues que pour une pensée réelle. La même chose se fit avec Guy Môquet, dont Sarkozy voulut faire lire la lettre émouvante à tous les écoliers, pour leur montrer ce qu’était un jeune patriote résistant à l’envahisseur allemand. Seulement… Guy Môquet, s’il fut exécuté par les Allemands, était avant tout un jeune militant communiste, arrêté par la police française pour cette raison-là, et non pour faits de patriotisme. Là encore, Sarkozy dépolitisa une figure pour n’en garder que le consensuel.

Jaurès aurait-il voté Louis Aliot ? Le pauvre ne peut pas le confirmer mais cette affiche (par ailleurs super moche, reconnaissons-le) montre bien comment l'homme est récupéré par à peu près tout le monde.
Jaurès aurait-il voté Louis Aliot ? Le pauvre ne peut pas le confirmer mais cette affiche (par ailleurs super moche, reconnaissons-le) montre bien comment l’homme est récupéré par à peu près tout le monde.

C’est là une thématique devenue constante dans le discours politique qui, paradoxalement, se dépolitise pour revenir sur ce qui est censé mettre tout le monde d’accord. Les grands clivages, souvent impossibles à résoudre, sont effacés, les grandes questions occultées, pour donner l’impression que les choix ne peuvent se faire que sur des questions annexés, aussi peu politiques que possible. Chaque personnage cité par Sarkozy était ainsi ramené à sa caractéristique la plus consensuelle : Jaurès pour son engagement antidreyfusard, Môcquet comme victime du totalitarisme (celui-ci pouvant indifféremment être de gauche ou de droite)… De même, Léon Blum fut parfois utilisé pour vanter le « travailler plus pour gagner plus », lui qui avait réduit le temps de travail ! Par ailleurs, pour ne pas se couper de son électorat de droite conservatrice, Sarkozy en appela également à des références bien ancrées de ce côté-là : rois, allusion au grand rôle de l’Église, lutte contre « l’héritage de mai 68 »…

Une constante, cependant : dans cette Histoire version Sarkozy, il n’y a de place que pour les grands personnages, ceux qui « font » l’Histoire selon la pensée de droite classique. Tout mouvement de masse est ou bien occulté, ou bien, en dernier recours, ramené au personnage dominant du moment. Cela n’est pas anodin : le but était ici de montrer que Nicolas Sarkozy s’inscrivait dans la continuité de ces grands hommes, et serait le suivant. Cette technique est, en réalité, universelle : on peut penser à François Hollande singeant les postures et attitudes de Mitterrand pour se donner une stature, mais aussi à Mélenchon adulant Robespierre : à chaque fois, il s’agit d’acquérir une légitimité personnelle d’homme providentiel. Si, des Bonaparte à De Gaulle, cette pratique est ancrée à droite, elle est bien plus inquiétante au sein d’une gauche qui devrait, théoriquement, éviter les leaders charismatiques pour s’appuyer sur les mouvements de masse (c’est, d’ailleurs, un des problèmes que j’ai pu reprocher à Guillemin). Comme on va le voir, en effet, ces récupérations historiques se retrouvent bien de tous les côtés de l’échiquier politique.

Comment se défendre contre ces parallèles historiques ?

Dans l’analyse du livre Charles Martel et la Bataille de Poitiers, j’ai montré comment l’extrême droite récupérait facilement l’histoire pour faire passer ses idées, mais j’ai aussi essayé de démontrer que les réponses venues de la gauche, notamment via Mélenchon, étaient souvent tout aussi caricaturales et donc intellectuellement irrecevables. Entre le tournage de la vidéo qui accompagne cet article et sa publication, Jean-Luc Mélenchon a d’ailleurs appelé à ne pas balayer trop vite le débat sur le roman national soulevé par Sarkozy. Et pour cause, par ses parallèles réguliers et son utilisation, notamment, de la Révolution, Mélenchon est lui aussi adepte d’un roman national, même s’il est ici de gauche. Les auteurs des Historiens de garde ont également eu l’occasion de détricoter un travail de François Ruffin sur la dette à travers l’Histoire, qui faisait preuve de grands problèmes de méthode. Il s’agit dans tous les cas de déformer les faits pour faire passer des idées : que celles-ci se justifient ou non n’est qu’accessoire, il y a dans tous les cas manipulation.

Or, l’appel au roman national, même de gauche, pose plusieurs problèmes. D’une part, le roman national, en cherchant à cimenter, à définir ce qui « fait un Français » (que ce soit une origine ou des « valeurs ») a aussi pour conséquence d’exclure ce qui sort de cette définition, forcément imparfaite et idéologiquement guidée. Peu importe que l’on décide que les Français descendent des Gaulois ou de la Révolution : dans tous les cas, certains sont exclus, au nom d’une escroquerie intellectuelle car l’Histoire montre, justement, que la France est une construction progressive qui s’est faite par le mélange d’identité multiples dans le temps.

Jean-Luc Mélenchon parle pour sa part de la nécessité d'adopter
Jean-Luc Mélenchon parle pour sa part de la nécessité d’adopter « le récit national » (article du JDD)

D’autre part, l’appel à ce genre d’arguments ne peut que niveler le débat vers le bas. Car, comme on l’a vu, il s’agit bien souvent de dépolitiser les questions, d’enlever les débats politiques à « la » politique. Le premier réflexe à avoir lorsqu’un politicien parle d’Histoire est de vérifier de quoi il parle. Lorsque Jean-François Copé déclare « craindre la tentation de la nuit du 4 août » chez les Français, on peut en déduire ou bien qu’il est totalement inculte, ou bien qu’il est opposé à l’abolition d’une partie des privilèges par la classe privilégiée elle-même. Les exemples sont nombreux : le réflexe de base doit donc être de se renseigner sur ce dont il est question.

Ensuite, il faut historiquement recontextualiser. Un politicien qui parle de la France à l’époque de Clovis ou Charlemagne joue avec des images fausses : aucun historien sérieux ne parlera de France à cette époque, en tout cas, pas de la même France qu’aujourd’hui. Et ne parlons même pas de la Gaule présentée comme ancêtre de notre pays. De même, les grands discours alarmistes sur de potentielles nouvelles « invasions barbares » sont bien vite nuancées lorsque l’on étudie la réalité de ces « invasions », non pas à travers les manuels scolaires mais dans les sources tant écrites qu’archéologiques. D’où cette nécessité de savoir si ce dont on nous parle vient des sources d’origines (et si celles-ci sont biaisées) ou si, au contraire, on a affaire à une construction idéologique. Le cas des ancêtres Gaulois, réellement « créés » à partir de la Révolution, est en cela très intéressant et a été très bien traité en réponse aux élucubrations récentes de Sarkozy.

Par ailleurs, il faut voir si la personne qui utilise l’Histoire le fait ici pour initier son raisonnement, ou part au contraire de ses conclusions pour ensuite aller chercher les éléments qui la soutiennent. Des chaînes comme Hygiène Mentale expliquent très bien comment s’élabore un raisonnement scientifique : on part des faits pour arriver à nos conclusions ; on ne part pas de nos conclusions pour établir les faits. Ainsi, dans mes vidéos, j’essaie d’abord d’exposer les faits de manière scientifique, et ensuite d’exposer les conclusions que j’en tire. Le politicien va, au contraire, partir de ce qu’il veut démontrer pour prendre les éléments qui soutiennent sa thèse, ce qui conduit par exemple à la création d’un Guy Môquet dont l’engagement communiste est oublié.

Mais, finalement, le plus important est de se demander pourquoi le politicien utilise ici l’Histoire. Est-elle là pour permettre la compréhension du présent (ce qui est ma démarche) ou pour justifier ce que l’on veut utiliser ? La pensée des personnages invoqués est-elle décryptée de façon critique pour avancer et élaborer une nouvelle pensée, ou pour brandir, comme une suite de pin’s, des cautions, appeler à l’émotion ? Bien souvent, dans le discours politique, la belle image prime sur l’argument, et c’est justement ce qui doit être dénoncé. La course aux références balancées au hasard est lancée, la bataille pour la récupération de l’Histoire va faire rage : pour quiconque a une conscience historique et politique, le défi est donc de taille : utiliser l’Histoire comme source de compréhension du présent, mais pas comme argument justifiant un futur jugé inévitable. C’est ce qui fait la différence entre la rigueur scientifique (qui n’exclut pas l’engagement) et la mauvaise foi idéologique, dont la gauche n’est pas plus exempte que la droite.

Pour aller plus loin

D’une part, le livre Comment Nicolas Sarkozy écrit l’Histoire de France, par Laurence de Cock, Fanny Madeleine, Nicolas Offenstadt, Sophie Wanich (dir.), publié chez Agone en 2008, est une source essentielle pour comprendre les racines de ces récupérations. Le site du CVUH, mais aussi les comptes Twitter de spécialistes comme Laurence de Cock ou Mathilde Larrère sont également très utiles pour dépasser les simplifications de nos politiciens.

Sur la question des Gaulois et pour un décryptage des nombreux clichés à leur sujet et de la manière dont l’historiographie du XIXe siècle les a profondément transformés, le livre de Jean-Louis Brunaux Nos ancêtres les Gaulois (Seuil, 2008) est une référence claire, scientifiquement solide et très agréable à lire. Un peu plus difficile d’accès, Les origines de la France de Sylvain Venayre (Seuil, 2013) revient sur cette question sensible des racines du pays, scientifiquement difficile à aborder tant le sujet est politique et potentiellement dangereux.

7 commentaires sur “Comment Sarkozy (et les autres) détournent l’Histoire ?

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  1. Concernant Sarkozy, il aurait été bon de mentionner qu’il avait Patrick Buisson comme conseiller en 2007, ce qui explique pas mal de choses dans le contenu idéologique de ses discours. Il faut aussi rappeler que Ségolène Royal a également joué la carte « pas de clivage », déclarant vouloir prendre « tout ce qui marche » (c’est vrai que si tu commences par prendre un truc qui marche pas… ), avec pour résultat une percée historique de Bayrou au premier tour, qui a bien crû voir la lumière (un peu comme les mouches au rayon charcuterie).

    À part ça, je pense que vous touchez du doigt le problème : nos politiques sont tellement incapables de résoudre quoi que ce soit que leur volontarisme vide (parce qu’impuissant) passe par la convocation tous azimuts de figures tutélaires. Ce qui est débile parce que d’une part celles-ci étaient autant des produits de leurs époques qu’ils ne le sont de la nôtre (roman national, quand tu nous tiens) et d’autre part parce que nous sommes dans une période historique qui se prête moins que jamais au volontarisme (l’économie mondiale c’est « marche ou crève », fait passer ça aux gens comme tu veux, mon lapin : success story à l’américaine ou tragédie à la grecque).

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  2. Veni Sidi Sensi, Votre stupéfiant aperçu historique des invasions/migrations barbares est déparé par le même parti-pris idéologique mystificateur. Cette volonté de dédramatiser ces événements en décrivant les ensembles de « barbares » qui se pressaient aux frontières de Rome sous les fausses couleurs de migrants quasi-pacifiques animés surtout par une prétendue volonté légitime et louable de s’intégrer dans une société romaine qu’ils admiraient pour la régénérer (rétablir une société en crise) relève de la manipulation des esprits la plus totale.

    Quelques brefs rappels historiques bien pesés devraient ici aussi suffire à tordre le cou à votre navrant révisionnisme . Nonobstant des invasions militaires massives, dévastatrices, traumatisantes et franchement hostiles, telles que celles des Celtes en -390, des Cimbres, des Teutons et des Ambrons à partir de -120, des Alains, des Vandales et des Suèves-Quades en 407-409, des Huns alliés aux Germains en 451 (à cette liste nullement exhaustive des invasions/migrations barbares ayant affecté l’Occident romain, se rajoutent aussi tous les très nombreux raids de pillage massifs et en profondeur s’étant abattus sur ce même Occident romain ainsi que toutes les agressions/invasions/migrations de masse dévastatrices ayant fondu périodiquement, pendant un millénaire, sur les Balkans à l’époque romaine tardo-antique et à l’époque byzantine médiévale), tous ces barbares mal dégrossis ne prenaient initialement pas figure de grande menace extérieure pour Rome.

    Contrairement à la Perse, à la Macédoine, l’empire parthe ou à Carthage par exemple, ces barbares, dépourvus d’Etats et le plus souvent rivaux entre eux, ne pouvaient espérer rivaliser de l’extérieur stratégiquement avec l’économie, la civilisation ou le système politique et idéologique romains, qu’ils ne pouvaient pas et ne cherchaient pas vraiment à détruire. Les réactions en chaines, les effets dominos et les ondes de choc qui traversaient de part en part le brûlant Barbaricum conduisaient néanmoins, périodiquement, des peuples en armes chassés par d’autres à se presser en masse aux frontières de l’empire, où ces groupes cohérents conduits par des chefs charismatiques n’avaient parfois d’autre choix que de demander collectivement asile à une Rome déjà en crise qui, affaiblie également par leur pression démographique globale, concédait souvent des territoires à certains d’entre-eux pour les fédérer et les opposer militairement à d’autres groupes de barbares : diviser pour mieux régner.

    Ces transferts importants de populations et de peuples sous forme de pis-aller, auxquels le « populus Romanus » intégrateur et universaliste n’était pas idéologiquement opposé en théorie (pourvu que l’intégration réussisse), permirent souvent à tous ces groupes barbares cohérents médiocrement intégrés de devenir, après s’être insinués en profondeur, étape par étape, dans le corps social et le tissu politique et institutionnel romains pour y fonder des véritables Etats autonomes dans l’Etat romain (des Etats dans l’Etat, des peuples dans le peuple, cela ne laisse pas de rappeler quelque chose !), une véritable menace intérieure existentielle pour le pouvoir politico-étatique et militaire romain. A ce pouvoir politico-miliare romain, ils ont d’ailleurs fini par se substituer totalement dans la partie occidentale de l’Empire, pour y imposer, dans les nouveaux Etats fondés par eux (dits romano-barbares), de nouvelles conceptions socio-politiques et idéologico-philosophique (« cuitas”, “populus”, “Res publica” et “Imperium” remplacés par “rex”, “gens”, “sedes” et “Regnum »), non sans contribuer à y faire régresser pour de très nombreux siècles toutes les conditions d’existence.

    Et dire que vous avez la folle prétention de résumer ces événements régressifs, polymorphes, polysémiques et polyvalents par les considérations tendancieuses qui sont les vôtres: « Les barbares admiraient la culture des Romains et, en s’installant à demeure et en faisant souche sur les territoires de l’empire, ils ne cherchaient qu’à rétablir une société en crise, comme pourraient le faire d’ailleurs nos actuels hôtes immigrés ».

    Libre à vous de vous conformer à la doxa dominante parmi les élites ouest-europénnes actuelles, afin de militer avec celles-ci pour le basculement du monde dans une ère post-nationale et post-identitaire, mais vous feriez néanmoins sagement de cesser de trop taquiner Clio pour faire passer à l’état de réalité concrète tous ces idéaux nihilistes de plus en plus rejetés par les opinions générales ouest-européennes, et jamais admises au demeurant dans tout le reste du monde ! N’oubliez pas que la connaissance est à elle-même sa propre fin et songez à la pérennité épistémologique de vos « travaux ». Songez aussi que, si Clio devait être anachroniquement convoquée, comme vous semblez le vouloir (bien que vous critiquiez l’usage non strictement savant du passé quand d’autres y sacrifient), pour nous prodiguer des recettes pratiques destinées à justifier le présent , la seule recette qui vaudrait ne serait, comme de juste et de raison, que celle-ci : ne répétons en aucun cas l’expérience des Romains avec les immigrés actuels qui se pressent à nos frontières, car il est à craindre que nous subissions le même sort qu’eux.

    Pour dissiper par ailleurs quelques confusions que, pour mieux disqualifier moralement et intellectuellement les tenants de ce qu’il reste encore du roman national français, je ferai observer que vous amalgamez deux usages assez différents de l’histoire et du passé :

    1. L’étude critique, scientifique, multilatérale, nuancée, désintéressée et idéologiquement neutre, qui relève uniquement de l’ordre de la connaissance, de l’exercice rigoureux de la pensée pure et qui est à elle-même sa propre fin. Cet usage du passé est le fait de chercheurs universitaires, d’amateurs éclairés, de pionniers et de curieux en tout genre. Il s’en faut de beaucoup pour que votre usage du passé relevât de cette définition, dussiez-vous du reste le démentir.

    2. Le second usage que l’on assigne traditionnellement à l’histoire, qui est un principe de cohésion et de rassemblement, a pour fonction d’unir et de souder une communauté historique (clans, tribus, ethnies, nations modernes, etc) autour d’un même destin en dotant celle-ci d’un récit commun, nécessairement étroit, borné, sélectif et beaucoup moins bien organisé conceptuellement que la narration historique proprement scientifique. Bien qu’il respecte souvent les canons méthodologiques de la science historique (c’est d’ailleurs le cas de ce roman national français que vous méprisez), ce second usage du passé, qui ne trouve plus en lui-même sa propre finalité donc, est également d’ordre mémoriel, identitaire, héroïque, allégorique ou hagiographique, etc. Cet usage se proposant pour dessin de consolider la conscience collective et de fortifier le lien social de la communauté passe évidement sous silence, laisse dans l’ombre ou minimise la portée de nombre de phénomènes qui risqueraient de diviser ladite communauté dans ses souvenirs ou qui pourraient empêcher de la réconcilier dans ses projets et de souder ses membres autour d’un même destin : divisions, diversités, hétérogénéité, tensions, antagonismes ou conflits sociaux, historiques, culturels, ethniques, etc.Vous devriez savoir que, sauf à vouloir se désagréger, aucune communauté historique ne saurait faire l’économie de ce type de récit…Inutile de vous rappeler que, dans le même ordre d’idée, ce roman national français dont vous vous gaussez fut historiquement une immense réussite : la dimension élective et volontariste de la conception française de la nation est y tout entière exprimée ! Mais peut-être préféreriez-vous revenir à une conception strictement ethnique de pure filiation, où il serait impossible de devenir Français en faisant sienne, par l’éducation, par la culture, par l’histoire, par la langue, tout cette identité charnelle et enracinée qui fait qu’une nation est une nation, et non point un ramassis d’individus-atomes débranchés de toute histoire commune !

    Je vous taquine assurément, car je sais que vos idéaux sont à la vérité post-nationaux et post-identitaires. C’est en cela que votre usage du passé relève de la seconde définition (non strictement savante), avec ceci pourtant que l’idéologie à laquelle vous subordonnez l’étude du passé est tout autre cette fois. Là où les concepteurs quelque peu subjectifs du roman national étaient convoqués par le politique aux frontières des Etats nationaux pour les consolider symboliquement, vous entendez vous, sous couleur de désintéressement scientifique, les faire voler symboliquement en éclat, dans le but manifeste de les rendre perméables à tous les flux humains et culturels (pas économiques, car vous êtes un marxiste viscéral par dessus le marché) de la globalisation.

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  3. petite correction : « Pour dissiper par ailleurs quelques confusions que, pour mieux disqualifier moralement et intellectuellement les tenants de ce qu’il reste encore du roman national français, VOUS ENTRETENEZ MALICIEUSEMENT, je ferai observer que vous amalgamez deux usages assez différents de l’histoire et du passé : »

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  4. Non mais dites donc, Veni Vidi Sensi !

    Vous fîtes montre de sectarisme gauchiste dans la vidéo susdite, et ce n’est pas cependant que vous ne fussiez capable d’aspirer parfois à quelque plus grande rationalité, que vous ne visassiez aussi à atteindre à quelque plus haute science, que vous n’eussiez, partant, vos moments à vous de lumière et d’équilibre…L’honnêteté me commande de le reconnaître.

    J’en veux pour seul exemple cette vidéo là : https://www.youtube.com/channel/UCt8ctlakIflnSG0ebFps7cw

    On vous eût pu croire ainsi mieux capable de réagir aux provocations d’autrui, fût-il d’un avis tout contraire au vôtre.

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